Lors des derniers CANNESERIES, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Slimane-Baptiste Berhoun. Slimane-Baptiste Berhoun est descendu à CANNES avec SURFACE. En avant-première mondiale, les deux premiers épisodes de la mini-série nous ont été présentés.
Adaptée librement du roman éponyme d’Olivier Norek avec l’appui de quatre scénaristes (Catherine Touzet, Marie Deshaires, Laura Piani et Gaëlle Bellan), on embarque avec la Capitaine de police parisienne, Noémie Chastain, dans les abysses d’un village englouti sous un lac artificiel. Ainsi que dans les tréfonds de l’âme humaine, gardienne de secrets enfouis.
– Introduction et parcours.
Puis-je vous demander de vous présenter ?
Slimane-Baptiste Berhoun : Je suis Slimane-Baptiste Berhoun. Je suis réalisateur et comédien. Pendant une dizaine d’années, j’ai travaillé sur Internet (notamment pour les plateformes : Youtube, Dailymotion) dans l’univers des webséries. J’écrivais, je réalisais et je jouais. Et depuis ces dernières années, je réalise des séries dont je ne suis plus dorénavant l’auteur.
J’ai commencé avec la websérie Les Engagés (saison 2) pour France.tv Slash (anciennement, Studio 4) . J’ai également réalisé les deux saisons de Mental au cœur d’un hôpital – service pédopsychiatrie (10 x 26′). Ensuite, j’ai enchaîné avec la série Vortex pour France 2.
Vortex m’a introduit au travail de Slimane. Aparté : les compositeurs, Audrey Ismaël et Olivier Coursier, remportent le prix de la Meilleure musique au Festival de la Fiction 2022. Pour Slimane, Vortex a marqué un tournant. Il a comme il dirait, changé de dimension. 6 x 52′. Prime time. Effets spéciaux. France Télévisions. Tomer Sisley, Voilà !
J’ai tourné dernièrement une série pour Paramount + : Le Signal. [Première série française pour la plateforme américaine, point sortie, à l’heure où nous parlons]. Un thriller d’horreur. Et récemment, SURFACE. En première lecture, on est sur un « polar classique » mais le scénario à quatre mains, revêt une dimension psychologique (en plus, de la technique).
J’ai jusque-là eu la chance de pouvoir travailler sur des projets différents touchant des genres différents (socio-dramatique / tragi-comédie / fantastique).
Est-ce la première fois que vous descendez aux CANNESERIES pour y présenter un projet ? à défaut du Festival de la Fiction.
Slimane-Baptiste Berhoun : Oui, c’est la première fois que je viens au festival. Et que j’y présente un projet.
Par le passé, vous scénarisiez et réalisiez ; est-ce que vos projets futurs rallient ces deux casquettes ? Ou est-ce vraiment demandant d’être engagé sur ces deux fronts ?
Slimane-Baptiste Berhoun : Depuis Les Engagés, je n’écris pas le scénario ; je travaille avec les auteurs. En ça, j’essaie d’arriver de plus en plus tôt dans le processus d’écriture pour être une des voix autour de la table. Et collaborer à l’élaboration du scénario final. Ainsi, j’ai découvert avec plaisir le travail des auteurs et ça m’a permis de découvrir le périmètre de mon travail de réalisateur. À l’époque où j’écrivais et je réalisais, je ne savais pas tant ce que je faisais en tant que réalisateur ou même auteur. J’ai compris qu’on pouvait mettre beaucoup de soi en tant que réalisateur dans un projet qui n’est pas le sien. Et faire que celui-ci nous ressemble. C’est très enrichissant. Avec l’opportunité en plus de garder un certain recul vis-à-vis du texte.
Je me suis consacré davantage à la réalisation qu’à l’écriture, par nécessité -si on peut dire- ces dernières années. Et aussi, par l’envie d’apprendre le périmètre de mon travail. Aujourd’hui, cependant, j’aimerais y revenir. Être co-auteur (dans le projet). Je me sens maintenant, équipé pour être auteur et réalisateur.
(rires. Les épaules un peu plus, solides ! – lui dis-je.)
Exactement !
Maintenant que je maîtrise un peu mieux le périmètre du travail de réalisateur, je me sens de nouveau prêt à me confronter à l’angoisse existentielle d’aller présenter un scénario que j’ai écris. Il fallait que je calme mon anxiété. Voilà pourquoi, j’ai mis en retrait, le travail d’auteur.
Pour l’anecdote : lorsque j’étais sur Internet, les avant-premières de fin de saison se déroulaient au Cinéma le Max Linder. Les deux derniers épisodes (de la saison) y étaient projetés. Récemment, je me suis rendu compte que le niveau de stress élevé que je vivais, était lié à ma casquette d’auteur. À l’attache émotionnelle que j’éprouvais pour le texte. L’auteur au fond de moi était perdu dans ses petits souliers. Alors que sous la casquette de réalisateur, je me sens beaucoup moins stressé de présenter un travail – un travail collaboratif dans l’élaboration et collectif à la finale.
– SURFACE.
Vous avez tourné à quelle période ?
Slimane-Baptiste Berhoun : On a commencé mi-avril et on a fini le 1er août. 1re partie : Paris pour quelques intérieurs. Après une équipe spécifique constituée du chef opérateur, est partie en Belgique rejoindre l’équipe du Lites Studios (le studio aquatique le plus avancé au monde pour le cinéma). Trois semaines en apnée. Et ensuite, on s’est tous retrouvés à la gare en Occitanie pour deux mois de tournage dans la moiteur.
Est-ce réellement les plans dans l’eau qui furent les plus difficiles à réaliser ? Ou en tant que réalisateur, vous vous souvenez d’un plan « bateau » qui s’est transformée en véritable nœud ?
Slimane-Baptiste Berhoun : Hum… La difficulté de SURFACE pour moi, n’est pas le village englouti parce qu’en amont, on avait réfléchi avec l’équipe à la technicité et aux moyens pour sa réalisation. La complexité de SURFACE pour moi, était de donner une ambiance artistique hors de l’eau. J’ai trouvé une identité qui soit atypique, propre à ce projet. Pour ne pas se réfugier derrière les séquences sous l’eau. Si on les rassemble, on est peut-être à 45 minutes cumulés en apnée. En ça, elles ne représentent pas la « colonne vertébrale ». Tout le reste du temps, on est en surface. À l’air libre, sous le soleil d’août, dans un village en Occitanie. À Avalone-le-Haut où se déroule un polar.
« La colonne vertébrale de SURFACE n’est pas le village englouti. »
Pour moi, la réflexion était la suivante : comment je fabrique le reste au-delà des trois semaines de tournage sous l’eau, de SURFACE ? Ma réflexion s’est articulée autour du personnage de Laura Smet. Et dans le choix des optiques. Dans mon idée, Laura arrive dans un petit bled paumé. Il fait chaud. De la chaleur qui créait de la sueur. Un peu vétuste, un peu poisseux. On se dirige pour moi, vers le western sans faire dans le cliché. On tend vers quelque chose d’assez intuitif, sensoriellement western. Ce genre appelle un cadre très horizontal. Le format 2.35:1. Le format anamorphique. Très large. Le choix s’est porté sur des objectifs anamorphiques. Ces objectifs déforment l’image, créent ces perspectives un peu particulières. Et surtout, donnent un vignettage un peu flou. Une texture à l’image. La nature du flou anamorphique déformant me rappelle la nette déformation du visage de Laura. La propre perception de son corps déformé. En somme, la technique choisie pour filmer le personnage de Laura m’a donné toute la direction pour cette partie de l’histoire.
» La nature du flou anamorphique déformant répond à la nette déformation du visage de Laura. »
Après bien évidemment, les séquences sous l’eau étaient une tannée. On ne va pas se mentir. (rires)
– SURFACE vs VORTEX.
Slimane-Baptiste Berhoun : J’ouvre l’aparté et le parallèle avec Vortex. Pour Vortex, on savait d’entrée de jeu, que ça allait être complexe avec notamment les pièces : le mur de leds, la plage artificielle. En pré-production, il y a eu beaucoup de réflexion d’élaboration de concertation pour rendre ces points techniques faisant appel à des effets spéciaux crédibles. Pour que sur par exemple : la plage, il y en ait un qui reçoive du vent et pas l’autre (sur la plage artificielle). Une fois que tout était retranscrit sur la feuille de route, on tournait en studio. Les journées de tournage en studio se déroulaient sans aléa.
SURFACE, c’est exactement l’inverse. Des accros sous l’eau. On tourne sous l’eau ? Très bien ! On construit un décor et on le plonge sous l’eau. Et on le filme. Or des journées entières à l’intérieur du Lites Studios à communiquer qu’à travers un micro avec des gens devant restés en apnée, ça ne s’invente pas. Il faut être concis et précis dans les consignes afin de refaire les prises. Ingénieux pour inventer les réactions (une corde qui casse, un fût qui monte) en chaîne complètement hasardeuses fruits de la nature (et non, humaine) avec quatre personnes en train de tirer des cordes et cie… Tout le monde dans le studio découvrait et réinventait son métier, au fil et à mesure des journées de tournage.
– Retour sur le casting.
Est-ce que c’était unevolonté/un souhait de retrouver et rediriger Tomer Sisley ? Et même Juliette Plumecocq-Mech. Ou ils ont tous les deux passé les castings ?
Sur la question du casting, la chaîne sur les rôles principaux ne peut point nous imposer quelqu’un. En revanche, elle a un certain nombre de critères comme une charte dont par exemple, la notoriété. Il faut quelqu’un de suffisamment connu du grand public pour porter la série. Sur Vortex, cette dimension était encore plus importante que pour Surface parce qu’il fallait faire le pas du fantastique. Il fallait quelqu’un de rassurant tel que Tomer Sisley pour repositionner probablement, le téléspectateur historique de France Télévisions, un peu dérouté. Ainsi, j’ai dans mon cahier des charges : trouver pour mes rôles principaux, quelqu’un de connu. En réalité, on est trois à table : la chaîne de diffusion, la production et moi-même. Et on discute. Prenons Tomer (Sisley) : est-ce que c’est une bonne idée ? Oui. Cependant, il faut l’éloigner de ses précédents rôles : Largo Winch ; Balthazar etc. Dans ce cas, ce peut fonctionner.
« Il y a vraiment eu une rencontre artistique autour de l’exigence dans le travail. »
Il s’avère en effet qu’avec Tomer, on s’est rencontrés sur Vortex. Au bout d’une semaine de tournage, c’était le comédien le plus facile à diriger. Il y a vraiment eu une rencontre artistique autour de l’exigence du travail. Il est très exigeant. Il questionne beaucoup ce qu’on va faire, pourquoi on le fait et est force de proposition. Et moi, je suis très perméable à ça. Si une bonne idée vient au dernier moment, je me dois de l’intégrer.
Et puis, Laura (Smet). Laura, il se trouve, qu’elle a passé un casting. J’ai vu plusieurs comédiennes. Laura nous a tous mis d’accord. Elle a ce quelque chose… Nous étions alignés sur son choix. Après ses essais, j’ai ressenti quelque chose de l’ordre que je ne pourrais pas travailler au plateau. Le jeu, je peux toujours le travailler a contrario de ce que le comédien/la comédienne dégage. J’ai perçu une sorte d’animalité, de mal-être dans la posture corporelle, le vécu imprimé dans ses yeux… des pendants qui la dépassent. Et qui façonnent le personnage de Noémie Chastain.
– Conclusion.
C’est dense, on imagine, depuis hier ? Oui, c’est dense. Mais c’est plaisant. Depuis deux ans, je travaille sur des projets que je n’ai pas pu montrer et là, de pouvoir présenter en avant-première mondiale, aux CANNESERIES, SURFACE : c’est satisfaisant. D’être dans une salle de cinéma avec un vrai public ; l’entendre en direct réagir à notre travail, c’est hyper plaisant.
D’ailleurs à la qualité d’écoute et de réaction de la salle pendant la diffusion, j’ai eu la sensation que ça marchait bien. Serez-vous vous aussi conquis ?
Pour rappel, SURFACE est disponible depuis aujourd’hui, jeudi 21 août 2025, sur france.tv et sera diffusé en prime time dès le 1er septembre prochain, sur France 2.