Nouvel article et nouvelle interview consacrés à la série de Canal + : 66-5.
C’est à l’occasion du Festival de la Fiction que nous avons eu le plaisir de découvrir en avant première l’intégralité de la série qui débarque ce lundi 18 septembre sur la chaîne cryptée. Elle compte 8 épisodes diffusés deux par deux chaque lundi soir, à 21h.
Au casting de cette nouvelle fiction nous retrouvons : Alice Izaaz, Raphaël Acloque, Nailia Harzoune, Melvin Boomer, Éric Pucheu, Caroline Baehr, Juliette Plumecocq-mech et Alain Bouzigues.
Il s’agit d’une nouvelle création d’Anne Landois. La réalisation est l’œuvre de Danielle Arbid (épisodes 1à 4) et de Keren Ben Rafael (épisodes 5 à 8).
– Synopsis –
Avant toute chose et pour rappel, l’article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 pose le cadre du secret professionnel entre un avocat et son client.
Vous l’aurez compris avec un tel titre évocateur, la série nous plonge au cœur d’un milieu fermé dans un premier temps, du Droit des Affaires (au sein d’un prestigieux cabinet parisien) puis dans un second temps, du Droit Pénal (au sein de la juridiction du Tribunal de Bobigny (93) au gré de la narration et surtout, de l’évolution des personnages – personnages faisant partie d’un seul et même maillon.
Les toutes premières minutes de la série sont incisives et décisives cependant, tenez bon et invoquez le 66-5 !
Souhaitant en apprendre davantage sur cette nouvelle fiction, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Raphaël Acloque et Nailia Herzoune qui incarnent respectivement Bilal et Yasmine.
Ensemble, nous sommes revenus sur leur approche et leur vision de leurs personnages.
– Interview –
On comprend que Bilal, au fil de la narration, est tiraillé. Toute la série, c’est une zone grise ! Bilal est partagé entre le poids des émotions contradictoires et la prise constante de décisions. Il est pris en étau ! On peut imaginer qu’il aime sa situation alors que d’un autre côté, on sent qu’il souhaite s’en sortir ; qu’en pensez-vous ?
Raphaël Acloque : C’est en effet, tout le paradoxe du personnage. Bilal est dans une quête de rédemption ! Maintenant, la réalité le rattrape et l’oblige à faire des choix. Des mauvais choix bien que Bilal essaie de voir plus loin avec son intelligence, pour tendre à réparer les « conneries » d’avant. C’est tout là, sa complexité, et c’est ce qui m’a plu sur le papier lors de la lecture du scénario.
Comment on aborde un personnage comme Bilal emprise à cette dualité permanente ? On ne le sent jamais serein.
Raphaël Acloque : Non, il n’est pas serein parce qu’il met un gosse dans la merde ! Il l’envoie en prison, à regret. Mais là encore, c’est ou lui ou le jeune ! Il prend cette décision-là. Cependant, il n’y a rien de malveillant chez lui. En tout cas, je ne l’ai pas abordé comme ça. Je ne trouvais pas ça, pertinent d’autant qu’il le dit dans un épisode : « On ne lâche pas la famille comme ça ! ». Il appartient à un groupe et malgré ses actions, il ne peut s’en départir. A chaque fois, ça le rattrape.
On sent en effet, que les choix peuvent être assumés – est-ce là le jeu d’acteur ? – mais en fait, aucunement.
Raphaël Acloque : Il est dans la représentation. Beaucoup.
Le colosse aux pieds d’argile ! Bilal ne craque jamais, à l’écran.
Raphaël Acloque : A l’écran, il est fébrile, de temps en temps. Il n’a pas le temps de craquer. S’il craque, il ne peut plus s’en sortir ! Des fois, vous êtes pris dans quelque chose de plus grand et vous vous dites, vous craquerez plus tard. C’est ainsi qu’il ne craque pas à l’écran.
Bilal est toujours dans la représentation. Ca passe par les costumes. Il endosse un déguisement. Il y a peut être deux/trois moments avec Roxane (Alice Isaac) où on décèle qui il est, vraiment. Clairement, il se raconte qu’il n’a pas le droit de monter sa vraie personne. Par exemple, il n’a pas de scène avec sa fille mais dès qu’elle est évoquée, on voit la fébrilité de ce mec.
On perçoit tout l’amour qu’il a pour elle. D’ailleurs, une des scènes très fortes est la scène de la chambre vide de l’enfant où il monte un meuble.
Raphaël Acloque : Ça raconte aussi un truc sur sa vie.
Votre personnage à vous Nailia, reste tout au long de la série, ultra solaire. Or, elle se marie pour les apparences à un homme de la cité alors qu’elle aime une femme. On sent que Yasmine est en dépit d’un temps moindre à l’écran, le réel métronome de la série. Suivant ce qu’elle peut dire à Roxane, les choix ne sont pas les mêmes ! Vous êtes le soleil de la série.
Nailia Harzoune : Ce que je trouve assez intéressant et surtout quand j’ai pensé au personnage de Yasmine est souvent que les gens les plus lumineux et/ou ceux qui prennent un peu tout à la dérision, sont en réalité les gens les plus tristes. Voire les plus tourmentés. Et finalement, les grands éclats de rire cachent de réels sanglots ! Au fur et à mesure de la série, on voit par exemple que Yasmine passe à côté de sa vie amoureuse et que le retour du personnage de Roxane, lui donne une force.
Elles se donnent mutuellement de la force ! C’est une amitié qui fonctionne très bien d’autant que le thème entre autres de cette série, est le transfuge de classe sociale. Roxane a pris un ascenseur social ; elle revient seulement, elle n’a plus les codes à proprement parler, de la cité de son enfance. C’est méga bourdieusien et en aucun cas péjoratif. Il y a quelque chose de l’ordre de l’Energie. Avec Alice (Isaac), on l’a travaillé parce que nos deux personnages n’ont plus le même rapport ni à l’Energie ni à l’Ambition.
On s’est fait la réflexion que qualifier votre personnage de secondaire était ici, galvaudé ; qu’en pensez-vous ?
Nailia Harzoune : Je suis heureuse de jouer des femmes qui se réalisent ailleurs que dans une ambition démesurée. C’est quelque chose qui me touche au cinéma : raconter des gens se sentant libres et épanouis sans être dans une carrière incroyable ou dans une quête professionnelle, à tout prix. Yasmine, elle a ça ! Et c’est aussi, la conscience. Yasmine, sans mot, ramène Roxane à des endroits très intéressants. Qu’est-ce qui est Essentiel au moment présent ?
D’ailleurs comme le souligne Raphaël, le personnage de Yasmine est le seul et unique personnage vraiment libre de la série.
On sent que Yasmine affirme sa liberté au retour de Roxane. Roxane a contrario de Yasmine n’arrive pas à vivre sa vie rêvée comme elle l’aurait souhaité. Etre confrontée à cette réalité pousse Yasmine à poursuivre sa quête d’être heureuse.
Vous donnez de l’Espoir…
Nailia Harzoune : [rire] C’est cool !
Raphaël Acloque : Ça permet à Roxane aussi, d’osciller entre ombre et lumière. Bilal étant une facette de sa vie plus sombre.
Nailia Harzoune : C’est pour ça qu’on ne s’entend pas dans la série.
Depuis le début de l’entretien, Raphaël, vous souriez ! Lorsque Bilal est en présence de Roxane, le téléspectateur se laisse aller à ressentir de l’empathie pour lui en oubliant presque le caïd. On peut être amené à penser qu’il n’est pas né du bon côté du périph’?
Raphaël Acloque : Je ne suis pas sûr que le périph’ détermine ça ! Quand je dis que la chambre raconte un truc sur sa vie ; sa vie est vide. Paradoxalement, il est entouré de gens. Bilal pourrait dire qu’il a plein d’amis mais il n’en est rien. Lorsque Roxane arrive, elle remplit un tout petit peu ce vide. Voilà pourquoi, il s’autorise à sourire à ses côtés tout en gardant le contrôle sur ce qu’elle doit savoir pour éviter de le compromettre.
Roxane est la faille de Bilal ?
Raphaël Acloque : Elle ébranle très clairement, l’Image qu’il a construit, au fur et à mesure des années.
Certes, la série dénonce beaucoup de choses (le patriarcat, la lutte des classes) toutefois, elle est aussi vectrice d’espoir ; qu’en dites vous ?
Nailia Harzoune : Oui, j’ai l’impression que ça vient d’une force scénaristique globale. Les personnages sont caractérisés par leurs personnalités, je trouve. Plus que par l’origine, un milieu… Je pense que l’espoir vient de là. On filme que des gens qui réagissent en fonction de leurs caractères et non, d’un parent d’un proche d’un milieu social. Moi, c’est ce qui m’a plu dans le personnage de Yasmine ; il n’est pas du tout rattrapé par ses origines et dans le panel de l’audiovisuel français, je trouve que c’est assez rare. Tout comme la question de son orientation sexuelle. Le regard porté en général sur comment le personnage traverse les situations est rafraîchissant.
Raphaël Acloque : D’ailleurs le fait qu’on soit toi et moi, arabes dans la série n’est à aucun moment, un sujet alors que des fois au sein d’une fiction, il y a ce rappel.
Pour finir, Raphaël votre dernière ligne de texte, laisse au téléspectateur une ouverture à une éventuelle saison 2. Un portail vers l’imaginaire.
Raphaël Acloque : Oui ou ça complexifie le personnage de Roxane. Roxane passe la vitesse supérieure – la 5ème ! – et son regard à la fin, laisse interrogateur.
Va-t-elle choisir l’Essentiel ou l’Ambition ?
Nous remercions une nouvelle fois Nailia Harzoune et Raphaël Acloque pour leur gentillesse et leur disponibilité.